De Gaulle et le Royaume-Uni

Avec Winston Churchill, Charles de Gaulle est l’un des plus grands hommes d’Etat que le monde ait connu. A l’heure des 80 ans de son célèbre discours pour appeler à la résistance contre la barbarie nazie, découvrez de Gaulle à travers sa relation avec le Royaume-Uni.

 

De Gaulle et Churchill, le désaccord cordial

Alors que le gouvernement français se tourne vers l’armistice en offrant les pleins pouvoirs à Philippe Pétain, de Gaulle est convaincu qu’il faut continuer le combat contre l’Allemagne. Winston Churchill lui propose alors de rejoindre Londres et de l’aider à continuer le combat. Arrivé le 17 juin 1940 dans la capitale britannique, Winston Churchill lui propose de lancer un appel radiophonique aux Français pour continuer la guerre. Après avoir discuté toute la journée du contenu, il prononce son discours le 18 juin aux micros de la BBC. S’il est peu entendu par les Français, il est relayé des jours durant sous forme de tracts et permet de lancer un mouvement de résistance contre l’occupant allemand. C’est par la voix des ondes, et le soutien de Churchill, que naît le général de Gaulle.

Mais la relation entre de Gaulle et Churchill n’a pas toujours été au bon fixe. Churchill a du mal à supporter la trop grande ambition du général français. L’animosité du Premier Ministre britannique contre son homologue français est d’ailleurs souvent vive. En 1943 lors d’une réunion du cabinet de guerre, le Vieux Lion déclare "Il (de Gaulle) souffre d'une ambition insensée. C'est le plus grand obstacle vivant à la réunion des Français et à la restauration de la France".

Malgré tout, Churchill en est convaincu. Il doit devenir le symbole de la France Libre. Sa voix et sa figure doivent être connus de tous les Français. En plus de l’appel du 18 juin, il lui impose une campagne de communication accrue ponctuée d’articles et de photographies publiés dans les plus grands magazines britanniques. Les discussions restent enflammées entre les deux hommes. Churchill ne le tient même pas au courant de l’organisation du débarquement en Normandie, ce que le général considère comme une trahison. Mais grâce à leur duo, de Gaulle et Churchill ont réussi à engager les foules contre l’ennemi nazi. Il retourne en France qu'une fois le débarquement en Normandie réussi en 1944 pour s'imposer comme le nouvel homme fort du pays.

 

Le soutien de George VI

Ce général français en exil en Angleterre plaît à George VI. Il admire la détermination et le symbole qu’il représente. L’immense homme sanguin s’oppose pourtant au monarque bègue. Mais en eux reposent un sentiment fort de résistance à l’Allemagne. Le courage de George VI a été démontré à plusieurs reprises. Pendant le Blitz, il n’hésite pas à rester à Buckingham Palace alors que la Luftwaffe bombarde la capitale anglaise.

De Gaulle a déjà le soutien de Churchill à son arrivée sur l’île d’Albion. Le roi connaît sa détermination à continuer le combat alors que la France de Pétain plie le genou face à Hitler. Le 24 août 1940, deux mois seulement après son appel du 18 juin, il le rencontre à Aldershot, au sud-ouest de l’Angleterre. Dans cette ville se situe une base militaire britannique où se sont rassemblés des troupes de la France Libre. Ensemble, de Gaulle et George VI passent en revue les troupes françaises et britanniques. Par ce simple geste, George VI montre officiellement son soutien au général alors que certains politiciens britanniques s’opposent encore à lui. Lord Halifax, ministre des Affaires étrangères, pour ne citer que lui, ne veut pas froisser le maréchal Pétain. C’est ainsi qu’il n’est pas favorable à la présence de de Gaulle sur le territoire britannique.

Avec le soutien de George VI et Churchill, de Gaulle a toutes les armes pour mener la résistance à distance face aux Allemands.

 

L’admiration d’Elizabeth II

De Gaulle sait que sans Churchill, il n’aurait pu devenir le grand général résistant à l’ennemi aux yeux du monde. Mais sa relation avec le Royaume-Uni n’a pas toujours été un long fleuve tranquille. Il s’oppose à plusieurs reprises à l’entrée dans l’Union européenne du Royaume-Uni. C’est dans ce contexte qu’il effectue au côté de son épouse Yvonne une visite d’Etat à Londres en avril 1960.

Pour la première fois depuis la fin de la Seconde guerre mondiale, le général de Gaulle traverse la Manche. Mais cette fois-ci, il s’y rend en tant que président de la République française. De Gaulle avait été élu à la tête de l’Etat un an auparavant. Pour cette visite exceptionnelle, Elizabeth II et Philip organisent un banquet à Buckingham. C’est en uniforme de général que de Gaulle traverse les rues de la capitale bondées au côté de la jeune reine.

La reine est profondément admirative devant la prestance de cet homme qui a épaulé son pays contre l’Allemagne nazie. De Gaulle a connu personnellement son regretté père et son cher Churchill. A ses yeux, il n’existe pas d’autre personnage plus respectable que le général. En somme, cette visite officielle est un franc succès mais elle ne permet pas à de Gaulle de changer d’avis sur l’avenir européen du Royaume-Uni. Il faudra attendre 1973, et la mort du général, pour permettre à la Grande-Bretagne de faire son entrée dans l’Union européenne.

 

Queen Mum et le prince Philip face au général de Gaulle

La reine-mère n’était pas en reste face à de Gaulle. Elle appréciait réellement cet homme que son époux a soutenu malgré l’opposition de certains. Selon William Shawcross, biographe officiel de Queen Mum, "d'un côté, elle adorait le chef de la France libre devenu président, de l'autre, elle appréciait chez les Français leur humour, leur joie de vivre, même si elle se demandait comment leur faire confiance vu leur absence de sentiments dès qu'il s'agit de politique". Les propres mots de la reine-mère suffisent à comprendre son admiration pour de Gaulle. Le 12 juin 1940, alors que les armées françaises sont submergées par l’ennemi, elle écrit dans son journal "ce jeune de Gaulle prêt à lancer une contre-offensive d'unités mobiles contre les chars allemands. Le maréchal Pétain est un défaitiste". Lorsqu’elle le revoit en 1960, on ne peut qu’imaginer l’émotion qui a surmonté son esprit.

Le prince Philip est quant à lui profondément respectueux devant le général. Le 20 décembre 1966, il se rend en solo en France à l’occasion du cinquantenaire de l’Association France-Grande-Bretagne. Cette visite devait à l’origine demeurer discrète. Mais quand de Gaulle apprend la nouvelle de sa venue, il s’exclame « Formidable, nous le recevrons à Trianon ! ». Le duc d’Edimbourg est ainsi reçu au Grand Trianon de Versailles restauré pour l’occasion. Grâce à cette visite, le Grand Trianon devient le nouveau palais de la République qu’elle utilise pour recevoir ses hôtes de marque. Le prince Philip repart en Angleterre éblouit par la beauté des lieux qu’il a visité au côté du couple présidentiel.

 

Charles de Gaulle aura toute sa vie garder une étroite relation avec la Grande-Bretagne. Parfois tendue, la relation franco-britannique au regard du général demeure réelle. Grâce à l’Angleterre, il a pu se révéler au monde par un discours resté dans l’Histoire, et ce malgré des liens parfois complexes avec Winston Churchill. Malgré quelques désaccords, il est demeuré respectueux devant George VI et admiratif face à Elizabeth II.