Les Stuart, le royaume uni à tout prix

Le Royaume-Uni ne s’est pas fait en un jour. Il est le fruit d’une longue histoire tumultueuse qui a vu se succéder les dynasties. L’une d’entre elles est justement l’instigatrice de ce royaume qui unit quatre nations sous une même couronne. Mais la naissance d’un tel Etat s’est fait au prix du sang et de la vie d’une famille : les Stuart. Je vous invite à revenir sur l’extraordinaire destinée d’une dynastie sur le trône d’Angleterre envers et contre tous.

 

Marie Stuart : le mauvais présage des Stuart

Marie Stuart est de nos jours la reine écossaise la plus célèbre. Son destin tragique n’en est pas innocent. Marie devient reine d’Ecosse en 1542, quelques jours seulement après sa naissance. Considérée comme le plus beau parti de son temps, elle est éduquée en France auprès de la cour d’Henri II pour épouser le futur François II.

Devenue reine de France en 1559, elle doit connaître un premier malheur un an et demi plus tard avec la mort prématurée de son époux. Marie n’a pas le choix, elle quitte définitivement la France pour gouverner son royaume d’Ecosse alors aux mains de nobles protestants. La reine catholique est traitée avec défiance. Pourtant, elle mène une politique tolérante et modérée. Elle épouse alors son cousin Lord Darnley quatre après son retour et donne naissance à un fils qu’elle prénomme Jacques en 1566. Le couple ne s’entend pas, d’autant que Darnley est jaloux des courtisans qui entourent la reine. Il finit assassiné en 1567, probablement selon la volonté de Marie. A peine veuve, elle s’empresse d’épouser le comte de Bothwell, le principal suspect du meurtre.

Ce mariage décrié précipite sa chute. Elle est emprisonnée et forcée d’abdiquer en faveur de son fils qui devient Jacques VI. Elle s’évade de sa prison pour demander l’aide de sa cousine Elizabeth Ire d’Angleterre. Mais Elizabeth la considère comme une menace pour son trône. Marie est considérée par les catholiques comme la reine légitime d’Angleterre. Elizabeth la fait alors emprisonner dans diverses forteresses du royaume pendant près de dix-huit ans. Finalement, Elizabeth Ire ordonne son exécution en 1587 pour écarter à jamais la menace écossaise sur son trône.

Marie Stuart a eu une vie tragique à l’image de sa mort violente. Son sang entache à jamais le destin des Stuart qui débutent des décennies de malheurs.

 

Jacques Ier, le songe d’un royaume uni

Elizabeth Ire rend son dernier souffle en 1603. La célèbre reine vierge n’a pas de descendance. La couronne revient alors à son plus proche parent : le fils de son éternelle ennemie, Jacques VI d’Ecosse. En Angleterre, Jacques prend le nom de Jacques Ier. Pour la première fois de l’Histoire, l’Ecosse, l’Irlande et l’Angleterre, longtemps demeurés ennemis, sont unis sous la même couronne.

En premier lieu, Jacques Ier réhabilite la mémoire de sa mère en l’inhumant à Westminster Abbey et en créant une image d’une reine protestante digne et sage. Mais avant tout, dès son accession, Jacques Ier s’empresse de prendre le titre de « roi de Grande-Bretagne et d’Irlande ». Il s’installe en Angleterre avec l’ambition de créer un royaume prospère et puissant.

Pendant tout son règne, Jacques a qu’une seule obsession : créer officiellement un royaume uni. Un même souverain pour trois royaumes ne suffit pas à ses yeux. Pour ce faire, il débute la colonisation de l’Irlande par la politique des plantations et ordonne la colonisation des Amériques. Une telle ambition engendre de fortes tensions en ses royaumes. Jacques Ier est victime de nombreuses tentatives d’assassinat comme la Conjuration des Poudres en 1605. Mais son grand rêve d’unifier politiquement les Îles britanniques n’a pas le temps de s’exaucer. En 1625, Jacques Ier meurt après 57 ans de règne écossais et 22 de règne anglais. Ses trois couronnes reviennent à son second fils qui devient Charles Ier.

 

Charles Ier, le roi martyr

Charles Ier montre dès le début de son règne des ambitions absolutistes, à l’image de la monarchie absolue française. Il ne veut pas être constamment sous l’égide du parlement. Il prend régulièrement des décisions sans l’accord de ce dernier, n’hésitant d’ailleurs pas à régner sans lui pendant onze ans à partir de 1629. Il tente également une réforme religieuse mal considérée. Pour certains, comme les puritains, Charles Ier est un tyran qui souhaite rapprocher l’Eglise d’Angleterre au fonctionnement de l’Eglise catholique. A ses yeux, il se considère tel un monarque de droit divin qui ne rend des comptes à personne. A une période où le parlement souhaite réduire les prérogatives royales, les tensions sont rapidement inévitables.

Charles Ier est de plus en plus impopulaire. Il tente de réformer l’Eglise d’Ecosse, ce qui fait naître la guerre des évêques et précipite sa chute. Le parlement prend les armes contre le roi. Ainsi naît la Première Révolution d’Angleterre. Le parti parlementaire est rapidement dirigé par Oliver Cromwell qui va de victoires en victoires contre l’armée royale. Charles Ier est finalement écrasé par les troupes du parlement. Emprisonné, il refuse de négocier avec le parlement qui souhaite réduire considérablement ses pouvoirs. Le parlement finit par organiser un jugement inédit dans l’histoire. Pour la première fois, un monarque en exercice est comparé en justice.

Pendant son procès, Charles Ier que l’on nomme alors simplement « Charles Stuart », refuse d’être représenté par un avocat. Il organise seul sa défense devant des juges qui ont tous en tête le jugement final fatidique. Ces derniers n’ont de cesse de le rabaisser pour détruire toute sacralisation de sa personne. Finalement, il est condamné à mort et décapité comme sa grand-mère avant lui en 1649. La monarchie tombe ainsi au profit d’une république puis d’un protectorat éphémères menés par Cromwell.

 

La restauration inespérée de Charles II

Le sort s’acharne sur la dynastie Stuart. Mais est-elle définitivement tombée ? Ce n’est pas sans la volonté de fer du désormais Charles II. Bien qu’il soit reconnu comme monarque légitime en Ecosse, Charles II est un roi sans couronne qui erre à travers l’Europe. Il tente plusieurs fois de reprendre sa couronne mais en vain. La dictature cromwellienne est trop puissante pour tomber si facilement. Il doit attendre la mort de Cromwell en 1658 pour voir une nouvelle fois le ciel s’éclaircir. Avec la perte du charismatique Cromwell, le protectorat est extrêmement fragilisé. George Monck, considéré comme l’homme fort de Cromwell qui matte la révolte écossaise, change de camp et profite de cette fragilité pour marcher sur Londres. Une fois la capitale reprise aux mains de Monck, Charles II peut entrer triomphalement en Angleterre. La monarchie est ainsi officiellement restaurée en 1660.

Charles II commence alors par restaurer l’Eglise d’Angleterre comme religion d’Etat. Néanmoins, il reste favorable à une forme de tolérance en particulier pour les catholiques. Le principal but de Charles II est de restaurer l’autorité royale. Il fait restaurer les bijoux de la Couronne qui avaient été fondus par Cromwell. C’est sous son règne que les deux partis politiques traditionnels d’Angleterre, les Whigs (favorables au monarque) et les Tories, font leur apparition.

Mais le pouvoir de Charles II est instable. Le roi doit essuyer plusieurs complots « papistes » qui visent à le destituer en faveur de son frère cadet Jacques qui est catholique. Charles tente même d’écarter son frère de la succession. Fragilisé, Charles II n’a d’autre choix que de dissoudre à plusieurs reprises le parlement. Pour imposer malgré tout son pouvoir, il finit par régner seul à partir de 1681. Mais la puissance de Charles II est de courte durée. Quatre ans plus tard, le roi rend son dernier souffle, juste après s’être converti au catholicisme. Charles II n’a pas d’héritier légitime, c’est donc à son frère Jacques que revient la couronne de Saint Edward.

 

Jacques II, un roi catholique et absolu ?

La foi catholique de Jacques II a une grande place dans son cœur. Dans un pays devenu majoritairement protestant, sa foi est un véritable handicape dès son accession. Le roi est un francophile convaincu. A ses yeux, la monarchie absolue de droit divin de son cousin Louis XIV est le modèle politique idéal. Il souhaite ouvertement instaurer ce régime sur un royaume politiquement unifié. Il augmente les effectifs militaires, emploi constamment ses prérogatives royales pour contourner le parlement. Ce dernier s’effraie des différentes mesures de Jacques II pour augmenter ses pouvoirs. Désormais opposé au monarque, le parlement est dissout par Jacques II en 1686. Cette dissolution marque le début de la chute de Jacques II.

Le roi est de plus en plus impopulaire. En plus de cela, sa seconde épouse Marie de Modène donne naissance à un garçon en 1688 qui prend le nom de Jacques François. Dès sa naissance, le petit garçon est baptisé selon les rites catholiques. S’en est trop pour les parlementaires qui craignent l’arrivée d’une nouvelle dynastie catholique sur le trône d’Angleterre. Les nobles anglais appellent à l’aide le Stathouder hollandais Guillaume d’Orange-Nassau, le neveu de Jacques II qui a épousé sa fille aînée Marie. Guillaume débarque à la tête d’une armée en Angleterre au début de l’année 1688 et donne naissance à la Glorieuse Révolution. Jacques II ne veut pas reproduire les longs conflits qu’a connu son père Charles Ier. Il part se réfugier en France où il est accueilli par Louis XIV en personne.

Pour le parlement, la fuite du roi équivaut à une abdication. Il offre alors la couronne à Guillaume et Marie. Le couple accepte et devient une exception dans l’histoire britannique. Pour la première fois, un couple règne ensemble de plein droit sur les Îles britanniques.

 

Guillaume III et Marie II, un couple à la tête de l’Etat

Guillaume III et Marie II instaure la première monarchie parlementaire d’Angleterre. Leur pouvoir vient de la volonté du parlement. Jamais ils n’oublieront ce détail qui fait leur légitimité. Ils exercent leur pouvoir avec parcimonie. Dans les faits, c’est principalement Guillaume III qui règne. Mais lorsqu’il est en campagne contre la France, Marie II gouverne fermement et efficacement.

Guillaume et Marie doivent faire face aux révoltes jacobites qui souhaitent restaurer la couronne de Jacques II. Victorieux contre ces révoltes, leurs années de règne conjoints sont surtout marquées par la transition entre le pouvoir personnel de Jacques II et le pouvoir soumis au contrôle du parlement. Le grand défaut du couple est de ne jamais avoir eu d’enfants. Marie II meurt en 1694, Guillaume III règne encore huit ans sur l’Angleterre avant de céder la couronne à la sœur cadette de Marie en 1702. Un an avant de mourir, Guillaume III signe un acte qui exclut tous les catholiques de la succession au trône.

 

La reine Anne, le rêve exaucé

Sous le règne conjoint de Guillaume III et Marie II, la volonté d’instaurer l’union des royaumes des Îles britanniques n’a pas été oublié. Au contraire, par l’instauration d’une monarchie parlementaire, l’union n’a jamais été si proche.

La reine Anne hérite donc d’un royaume en proie à un avenir commun. Pour la conseiller, la reine s’entoure de favorites décriées : d’abord Sarah Churchill duchesse de Marlborough, puis Abigail Masham. Ces dernières l’influencent dans le domaine de la politique intérieure. Ainsi, elle favorise le parti Tory dans son gouvernement au point de limoger de nombreux Whigs.

A son accession, Anne hérite aussi d’un royaume en pleine guerre de Succession d’Espagne. Contre la France, l’Angleterre remporte de nombreuses victoires comme celle de Blenheim qui vaut l’anoblissement de John Churchill en duc de Marlborough. Cette guerre est vue par tous les Britanniques comme un conflit commun à toutes les nations qui constituent ces îles. Grâce à elle, la nation britannique prend racine. En 1707, Anne signe enfin les Actes d’Union qui donne officiellement naissance à la Grande-Bretagne. L’Angleterre et l’Ecosse sont ainsi régis par un parlement et des lois communs. Anne devient ainsi le premier monarque de Grande-Bretagne et d’Irlande.

Anne est à l’origine du premier échelon du chemin pour la création du Royaume-Uni. Un acte politique d’importance qui constitut les fondations d’un pays, exhaussant finalement le grand rêve de tous les Stuart. Mais les malheurs des Stuart poursuivent Anne. Mariée au prince George de Danemark, elle tombe enceinte à dix-sept reprises mais aucun enfant n’atteint l’âge adulte. La reine meurt en 1714 et en vertu de l’Acte d’établissement de 1701, elle lègue son trône à son cousin protestant le plus proche, George de Hanovre.
La mort de la reine Anne met fin à la dynastie Stuart sur le trône britannique. Cette dynastie venue d’Ecosse a réussi à poser les bases de la monarchie britannique moderne. Sous leurs règnes, la monarchie parlementaire et la Grande-Bretagne ont fait leur apparition. Durant toute cette époque, leur seule volonté a été d’unifier les îles britanniques sous leur unique couronne. Et Anne a réussi. Mais à quel prix ? Pour arriver à de tels résultats, les Stuart sont passés par deux exécutions, deux révolutions, et une fuite. Au prix du sang des leurs, les Stuart ont su s’imposer comme l’une des principales dynasties d’Angleterre, ouvrant la voie vers la création d’un empire surpuissant.