Margaret, la princesse rebelle

Seize ans après sa disparition, la princesse Margaret demeure aujourd’hui encore présente dans la mémoire collective britannique. Sa vie est un véritable roman qui fait de cette princesse un membre particulier de la famille royale. Son esprit rebelle la rendit attachante. Malgré ses nombreuses frasques sa popularité fut indéniable.

Je vous invite à revenir sur la vie de la princesse Margaret, la princesse rebelle de la famille royale britannique.

 

Une jeunesse dorée

Le 21 août 1930, Elizabeth Bowes-Lyon, épouse du duc d’York Albert, donne naissance à une seconde petite fille dans le château familial de Glamis en Ecosse. Le couple avait déjà accueilli une première fillette aux boucles d’or en 1926 qui prit le prénom de sa mère. A son arrivée dans la famille royale, le nouveau-né, prénommé Margaret Rose, occupe la quatrième position dans l’ordre de succession au trône britannique. Quelques mois après sa naissance, la jeune princesse, dénommée simplement Margaret par ses proches, est baptisée en la chapelle privée du palais de Buckingham. Elle reçut pour parrain et marraine, le prince Edward de Galles et la princesse Ingrid de Suède (devenue reine-consort de Danemark en 1947).

Etant donné leur faible écart d’âge, Elizabeth et Margaret eurent une éducation commune. Les précepteurs chargés de l’éducation des deux princesses s’accumulent au cours du temps. Aux yeux de ces professeurs, Margaret est intelligente et fait preuve d’une vivacité d’esprit remarquable. L’art, le chant et la musique se présentent comme des passions qui la suivront toute sa vie.

La famille des York vit dans un vaste appartement du quartier de Mayfair à Londres appartenant au grand-père maternel de Margaret, Claude Bowes-Lyon, quatorzième comte de Strathmore et Kinghorne. Elizabeth et Albert se montrent comme des parents aimants, qui tentent de passer le plus de temps possible avec leurs filles malgré leurs obligations officielles. Une famille aristocratique particulière qui demeure une exception dans l’Angleterre du milieu du XXe siècle encore marquée par les mœurs victoriennes du siècle passé. C’est dans cet univers familial qu’Elizabeth et Margaret apprennent, un jour de janvier 1936, la mort soudaine de leur grand-père, le roi George V. Leur oncle Edward est appelé à succéder au vieux roi George sous le nom d’Edward VIII.

 

1936 : son destin changé à jamais

Mais Edward VIII est amoureux de Wallis Simpson, une Américaine doublement divorcée, qu’il souhaite épouser. Dans l’Angleterre des années 1930, le divorce est encore fortement rejeté, et cela au sein de toutes les catégories sociales anglaises. L’Eglise anglicane condamne encore le divorce et le roi d’Angleterre reste son chef suprême. Edward VIII ne peut épouser cette femme qui correspond en rien aux caractéristiques demandées à une future reine-consort. Pour épouser Wallis Simpson, une seule solution est possible pour Edward VIII : l’abdication. Le 11 décembre 1936, il renonce à ses droits au profit de son frère cadet Albert.

Le duc d’York devenu roi décide de prendre le nom de George VI. Une fois l’abdication accomplie, il rentre dans son domicile de Mayfair retrouver sa famille. Pour la première fois, les deux princesses accomplissent une révérence parfaite devant un père qu’elles devront désormais appeler en public « Votre Majesté ». Brusquement, Margaret se retrouve à la seconde position dans l’ordre de succession, juste après sa sœur. A propos de sa situation, elle raconte à un proche « je suis l’héritière présomptive de l’héritière présomptive ». Le quotidien de la jeune princesse est totalement bousculé. Son père devenu roi, elle doit désormais se présenter quotidiennement en public aux côtés de sa soeur.

 

Une princesse dans la guerre

Mais en 1939, l’Angleterre déclare la guerre à l’Allemagne. Victime de bombardements incessants, l’Angleterre est à feu et à sang. Pour leur sécurité, les princesses vivent au château de Windsor, cette forteresse millénaire. Le couple royal travaille la journée à Buckingham et rentre chaque soir à Windsor pour retrouver leurs filles. Rations et fenêtres blindées deviennent monnaie courante. Pour s’occuper, les princesses jouent dans des petites pièces de théâtre organisées par leurs parents devant un public gagné d’avance. C’est ainsi que se déroule la Seconde guerre mondiale.

George VI aime mettre en avant les liens qui unissent sa famille. Si le roi n’hésite pas à parler de « nous quatre » pour désigner sa petite famille, les différences de caractère des jeunes princesses divisent. Pour George VI, « Elizabeth est ma fierté, Margaret est ma joie ». L’aînée des deux princesses se présente comme une petite fille sérieuse, peu téméraire, consciente de son rang, et qui place ses devoirs en tant qu’héritière de la Couronne avant toute chose. Quant à Margaret, la princesse est davantage espiègle, primesautière, charmeuse et moderne. "Dès notre enfance, les rôles ont été distribués : elle, la petite fille modèle, et moi, le mouton noir." Margaret sait très tôt qu’elle devra se contenter d’un rôle subalterne. Se contentant d’exister, elle tente de se démarquer à sa manière. La mode, est très vite devenu un moyen pour elle de briller en société. Grâce à son style vestimentaire moderne, elle devient une référence pour une majorité des Anglaises.  

Conscient de la beauté flamboyante de sa fille cadette, George VI essaie de lui trouver des prétendants idéaux. Elizabeth s’unie en 1947 à son cousin germain Philip Mountbatten qu’elle a rencontré huit ans plus tôt. Mais Margaret, qui atteint sa majorité en 1951, n’a toujours pas de prétendant sérieux qui assureraient son avenir. Mais le temps manque à George VI. Il succombe d’un cancer du poumon le 6 février 1952. Sa fille Elizabeth lui succède sous le nom d’Elizabeth II.

 

La suppléante

L’importance de Margaret au sein de la famille royale est soudainement relayée au second plan. Toute sa vie, Margaret souffrira de ce manque d’attention du public à son égard. Elle n’aura de cesse de vouloir surplanter sa sœur dans ses obligations officielles. Alors qu’Elizabeth vit son métier de reine comme un sacerdoce, Margaret ne rêve que d’une chose, être aussi célèbre et populaire que sa sœur. Elizabeth II devenue reine, Margaret et sa mère doivent quitter Buckingham. Le palais doit désormais être à l’entière disposition du couple royal et leurs enfants. Elizabeth Bowes-Lyon et Margaret doivent dorénavant vivre dans une demeure commune voisine : Clarence House.

L’accession au trône d’Elizabeth II met au jour une histoire d’amour restée jusqu’ici dans l’ombre. A la fin de l’année 1951, Margaret tombe follement amoureuse du capitaine Peter Townsend, ancien pilote de chasse de la Royal Air Force, héros de la Seconde guerre mondiale et écuyer de George VI depuis 1944. Par amour, Peter divorce de Rosemary Pawle en 1953. Alors qu’Elizabeth organise son couronnement, Margaret fait part à sa sœur son intention d’épouser Peter Townsend. Oui mais voilà, le remariage des divorcés est toujours interdit dans l’Angleterre des années 1950. De plus, le souvenir douloureux de l’abdication d’Edward VIII à cause d’une Américaine divorcée ronge les esprits britanniques. Elizabeth II souhaite de tout cœur remplir de bonheur sa sœur en acceptant le mariage, mais sa position de chef de l’Eglise anglicane ne lui permet pas de lui offrir son accord. Les médias se prennent de passion pour cette histoire d’amour moderne et prennent fait et cause pour les désirs de mariage de Margaret. Néanmoins, pour pouvoir se marier à son grand amour, plusieurs conditions s’imposent à Margaret. La reine et le gouvernement lui demandent d’attendre ses vingt-cinq ans, et d’abandonner ses titres et ses droits de succession. La romance dure encore deux ans alors que Peter Townsend est envoyé en Belgique en tant qu’ambassadeur. Mais finalement, en 1955, Margaret décide de rompre sa relation passionnée « au nom de ses devoirs pour son pays ». En réalité, Margaret était très attachée à son statut d’Altesse royale. S’unir à un homme au mépris de son statut était inimaginable. Ainsi s’achève une idylle de cinq années qui firent apparaître des querelles familiales dérangeantes.

 

Les malheurs de Margaret

La fin des années 1950 voient naître une princesse citadine. Margaret devient peu à peu une figure de la jet-set londonienne. Elle fréquente les plus belles soirées de londoniens fortunés. Ses fréquentations, peu habituelles pour un membre de la famille royale, attirent l’attention des paparazzis. Les couvertures à l’image de la princesse s’accumulent. Plusieurs aventures sont attribuées à Margaret, notamment avec John Turner, futur Premier Ministre canadien. C’est lors de l’une de ces soirées qu’elle affectionne, que Margaret tombe sous le charme du photographe Anthony Armstrong-Jones. Il fallut peu de temps pour que Margaret demande de nouveau à sa sœur l’autorisation de se marier. Elizabeth, enceinte du prince Andrew, accepte volontiers. Mais le mariage ne pourra se faire qu’une fois l’enfant né. Andrew voit le jour le 19 février 1960, Margaret et Anthony s’unissent donc le 6 mai de la même année. Pour la première fois, des célébrités du moment sont invitées à un mariage princier. En cela, le mariage de Margaret est qualifié de moderne. Pour l’occasion, Anthony Armstrong-Jones est titré comte de Snowdon et vicomte Linley. Le couple aménage alors dans un appartement du palais de Kensington à Londres, qu’ils aménagent à leur goût par des travaux qualifiés de coûteux.

Anthony et Margaret ne tardent pas à avoir des enfants. En 1961 et 1964, David et Sarah voient le jour. Mais Margaret ne souhaite pas étaler sa vie privée aux yeux du monde. Ses deux enfants sont donc éduqués à l’abris des médias. Son mariage ne l’empêche pas de continuer sa vie dissolue. Elle continue à se rebeller contre le protocole et l’image publique de sa famille par ses fréquentations. La presse lui attribue plusieurs relations extraconjugales dont celle avec Roddy Llewellyn, un garçon de dix-sept ans son cadet. Loin d’être uni, le couple se déchire. Anthony continue à entretenir ses propres relations avec différentes femmes, notamment l’actrice Jacqui Chan, ou encore son amie Camille Fry, qui était elle-aussi mariée, qui accouche en 1960 d’une fille qui s’évéra être la sienne. Finalement, ces relations eurent raison de leur mariage. Le couple divorce en 1978, officiellement pour les liaisons entretenues par la princesse.

 

Une fin de vie tragique

Ce divorce affecte durablement le moral de Margaret. Profondément dépressive, l’alcool et le tabac paraissent les seules solutions à son désespoir. Seuls les clubs londoniens lui redonnent le sourire. C’est accompagnée des plus grandes stars anglaises de l’époque, telles que Mick Jagger ou les membres des Beatles, que Margaret arpente la capitale. Ainsi, elle reste la cible favorite des paparazzis. Seule Diana la détrôna dans les années 1980 et 1990 dans le palmarès des membres de la famille royale pourchassés par la presse. Des médias qui ne manquent pas d’imagination à son propos. Les rumeurs les plus folles courent autour de la princesse. On lui prête des relations tumultueuses avec des hommes et des femmes, et une consommation excessive de drogue, en plus de l’alcool et du tabac. Elle fumerait jusqu’à soixante cigarettes et boirait plusieurs bouteilles de gin par jour. Pour se protéger de cet univers particulier, Margaret achète au début des années 1980 une villa sur l’île Moustique où elle passe une partie de l’année.

Elizabeth II n’aura de cesse de tenter de protéger l’image de sa sœur. Toute leur vie, les deux femmes demeurèrent très proches, malgré leurs caractères différents. Mais les efforts de la reine sont vains. Son alcoolisme et son tabagisme excessifs ont raison de sa santé. Comme son père avant elle, elle doit subir l’ablation partielle du poumon gauche. Mais l’état de santé de Margaret se dégrade soudainement. Hospitalisée, elle décède le 9 février 2002 au King Edward Hospital de Londres suite à plusieurs accidents vasculaires cérébraux. Ses funérailles sont organisées dans l’intimité de la famille royale au château de Windsor. Son corps est alors incinéré puis inhumé dans la chapelle Saint-George aux côtés de son père. La tristesse de sa mère, alors âgée de 101 ans, est trop grande. La reine-mère meurt à son tour, deux mois seulement après Margaret.

 

La vie de la princesse Margaret est un véritable drame digne des plus grands romans. Bien avant Diana, Margaret tenta de révolutionner l’image de la famille royale. Il fallut attendre sa disparition pour voir s’implanter une modernisation attendue de la monarchie. Sans elle, la famille royale, telle qu’elle se présente aujourd’hui, n’aurait pu voir le jour. En cela, elle demeure à jamais la princesse rebelle.