Alice de Battenberg, princesse religieuse

Alice de Battenberg naît le 25 février 1885 au château de Windsor, en présence de son arrière-grand-mère la reine Victoria. Sourde de naissance, la princesse reste malgré tout un membre de la famille royale britannique qui devra servir les intérêts politiques de l’Angleterre. Elle est éduquée par des précepteurs, alors qu’elle suit les déplacements militaires de son père, officier de la marine britannique. La princesse montre dès son plus jeune âge un caractère affirmé que, selon la reine Victoria, seul le mariage peut dompter.

En 1903, elle épouse le prince André de Grèce et de Danemark, fils cadet du roi George Ier de Grèce, avec qui elle a cinq enfants. Parmi eux, le prince Philip qui naît en 1921 et qui saura lui aussi tracer son destin royal. Installée en Grèce, ses liens avec sa famille britannique sont peu présents. D’autant qu’avec son époux, elle doit affronter une révolution qui sera fatale à la monarchie hellénique. A la suite de l’assassinat de George Ier en 1913, et du déclenchement de la Première guerre mondiale, le roi Constantin Ier, beau-frère de la princesse, affronte des oppositions de la part de son gouvernement vis-à-vis de sa politique de neutralité dans le conflit. L’opposition est si grande que le roi n’a pas le choix, en 1917 il abdique et s’exile. Alice et sa famille suit leur roi en Suisse. Mais Constantin réussit à reprendre le pouvoir. Alice et sa famille peuvent alors retourner en leur domaine de « Mon Repos » à Corfou où elle donne naissance au prince Philip.

Mais en 1922, Constantin est de nouveau forcé à abdiquer par des officiers révolutionnaires. En danger de mort, George V envoie un croiseur britannique pour emporter Alice et sa famille en direction de la France. Arrivés à Saint-Cloud, André de Grèce et Alice vivent dans une demeure que la princesse Marie Bonaparte loue pour eux. En France, le comportement d’Alice évolue. Elle devient de plus en plus mystique. Elle se convertie à l’orthodoxie grecque et pratique l’occultisme et l’écriture automatique. Dans les années 1920, la pratique religieuse commence à inquiéter ses proches. Elle déclare qu’elle posséde des dons de guérison, qu’elle est sainte et qu’elle est fiancée au Christ. Ces hallucinations obligent sa famille à la placer au sanatorium de Kreuzlingen, en Suisse, en 1929.

Durant sa convalescence, le couple formé par Alice et André commence à battre de l’aile. Déclarée guérie, elle sort du sanatorium en 1931. Ses filles mariées à des princes allemands proches du parti nazi, et son fils vivant en Angleterre, Alice débute une vie d’itinérance en Europe centrale. Le couple de Grèce se sépare définitivement. Mais la mort de sa fille Cécile dans un accident d’avion en 1937 permet de rassembler à nouveau la totalité de la famille. Cette mort est un déclic. Alice se résout à se rapprocher de sa famille britannique. Cependant, elle part vivre à Athènes durant toute la période de la Seconde guerre mondiale, laissant la responsabilité de son fils cadet à son frère Louis Mountbatten. En Grèce, elle s’occupe par des activités humanitaires et n’hésite pas à cacher un couple juif dans sa résidence.

 La guerre terminée, elle revient en Grande-Bretagne en 1947. A cette date, elle assiste au mariage de son fils unique qui épouse l’héritière de la Couronne britannique. Elle offre à sa belle-fille ses derniers bijoux qui sont rassemblés pour créer son alliance. Mais l’année suivante elle déclare souhaiter se retirer du monde. Elle fonde un ordre hospitalier de nonnes orthodoxes dont le modèle est le couvent de la grande-duchesse martyre Elizabeth Feodorovna fondé en Russie en 1909. Néanmoins, par manque de vocations, l’ordre de la princesse décline rapidement.

En juin 1953, elle part à Londres assister au couronnement de sa belle-fille en tenue de nonne de son ordre. De retour en Grèce, sa santé commence à se détériorer. Le coup d’Etat des colonels de 1967 la pousse à retourner définitivement en Angleterre. Elle réside alors quotidiennement au palais de Buckingham où elle meurt en décembre 1969. Sa dépouille est d’abord enterrée dans la chapelle Saint-George du château de Windsor avant d’être déplacée en 1988 à Jérusalem, conformément à ses dernières volontés. En reconnaissance de ses actions passées, elle est finalement déclarée « Juste parmi les nations » en 1994 pour avoir caché des Juifs durant la guerre et avoir travaillé pour la Croix-Rouge. Ainsi se termine la vie d'Alice de Battenberg, la princesse religieuse.