La reine Charlotte était-elle métisse ?

La dernière série Netflix La Chronique des Bridgerton en a fait l’un de ses personnages centraux. Outre-Manche, elle est quasiment inconnue. Et pourtant, la reine Charlotte a connu une vie bien mouvementée au côté d’un monarque puissant en proie à la folie. L’un de ses traits physiques la démarque davantage des autres souveraines d’Angleterre. Et pour cause, elle serait métisse. Retour sur un destin extraordinaire, loin du personnage attaché aux potins qu’en a dépeint Netflix.

 

La jeunesse d'une princesse allemande

Nous sommes au cœur du Saint-Empire, dans la petite ville de Mirow, dans une principauté dirigée par Charles Ier de Mecklembourg-Strelitz. Le 19 mai 1744, la princesse Elisabeth-Albertine est sur le point de mettre au monde un enfant. Après plusieurs heures de travail, c’est finalement une fille qui voit le jour et prend le nom de Sophie-Charlotte. Avant elle, quatre enfants avaient vu le jour. C’est donc dans le cadre familial de Mirow que grandit la petite fille qui est rapidement surnommée Charlotte.

L’avenir de Charlotte est incertain. Cadette d’une famille de cinq enfants, elle ne peut compter que sur un mariage fructueux pour s’assurer un avenir confortable. Mais sa famille ne possède aucune goutte de sang bleu. Ses ancêtres n’ont été que des ducs ou encore des comtes. Cette absence de royauté pose problème. Néanmoins, sa mère et son frère aîné Adolphe-Frédéric IV tentent des négociations en vu de son futur mariage, d’autant qu’elle est devenue une jolie jeune fille quand débute la décennie 1760.

 

L'avènement d'une reine

En 1760, George III monte sur le trône de Grande-Bretagne. Le jeune homme n’est alors âgé que de 22 ans et son mariage devient une urgence d’Etat pour assurer la pérennité du trône. En plus de son titre britannique, George III est aussi roi de Hanovre, ce petit royaume germanique dont sa famille est originaire. Le sang allemand coule dans ses veines, le gouvernement se tourne donc vers les principautés du Saint-Empire pour lui trouver une princesse.

Le gouvernement propose au monarque une liste de princesses qui seraient dignes de devenir reine-consort. Le roi avait déjà fréquenté quelques jeunes filles mais finalement son regard se pose sur le portrait de Charlotte. La raison d’Etat l’emporte sur celle du cœur. Elle a 17 ans lorsqu’elle monte à bord d’un navire qui la conduit vers l’Angleterre en 1761. Le 8 septembre, le jeune couple s’unit en la chapelle royale du palais Saint-James.

 

Une reine mécène et influente

L’entente entre les deux époux est au beau fixe. Et pour cause, ils se plaisent et le montrent. Ensemble, ils n’ont pas moins de 15 enfants à partir de 1762, dont seulement deux n’atteignent pas l’âge adulte. Si le sentiment amoureux peut être contesté, il est clair que les deux êtres s’entendent à merveille. La mère de George III, qui a toujours gardé une certaine influence sur le roi, meurt en 1772. La place de Charlotte dans la politique du royaume est grandissante.

La reine n’hésite pas à influencer les choix de son mari en lui exprimant son avis. En plus de cela, elle fait du mécénat son cheval de bataille. Elle s’intéresse aux arts, et pour cette raison, elle soutient financièrement Bach, et Mozart lui dédit six sonates pour clavecin accompagné de violons. Elle fonde aussi des hôpitaux et des orphelinats, mais la peinture et la musique sont les grandes passions de sa vie. Elle pose pour une centaine de portraits restés à la postérité.

 

Une reine métisse sur le trône d'Angleterre ?

Qu’elle porte ses mentaux de cour, tout en majesté, ou qu’elle soit vêtue sans ses attributs royaux, les portraits de la reine Charlotte nous dévoilent une femme à la grande beauté. Mais la reine Charlotte avait-elle des traits de personne noire comme certains contemporains l’ont décrit et comme La chronique de Bridgerton l’a représenté ?

Les historiens ne sont pas d’accord sur ce sujet. Pour certains, Charlotte aurait pour ascendante Madragana Mor Alfonso, la maîtresse portugaise d’origine maure du roi Alphonse III de Portugal. Mais si la relation entre Madragna et Alphonse n’est plus à vérifier, il en n’est rien en ce qui concerne ses origines. La jeune femme pourrait être 100% maure comme ayant aussi des origines portugaises. Quoi qu’il en soit, avait-elle une peau métisse qu’elle a transmise à Charlotte ? La question demeure.

Certains contemporains de la reine la décrivent comme une femme aux traits de noir mais à la peau blanche. D’autres encore parlent d’une femme métisse qui dissimule sa couleur de peau derrière un épais maquillage. Car la mode de l’aristocratie anglaise de l’époque voulait que le blanc domine sur les visages de la haute société britannique. Les portraits de la reine montrent-ils la réalité ? Le mystère demeure. C’est donc sur cette rumeur que repose le choix du casting pour interpréter la reine Charlotte dans la série à succès de Netflix.

 

Dénouement d'une vie

En 1788, George III est victime de sa première crise de folie. Son état de santé ne cessera alors de se dégrader à partir de cette date. Au début de la maladie du roi, la reine est écartée du souverain pour sa sécurité. George III pouvait se montrer très violent et incontrôlable. Malgré tout, Charlotte ne cessera d’être un véritable soutien au monarque. En 1811, le prince de Galles est finalement proclamé régent du royaume quand il fut évident que le roi soit devenu incapable de répondre à ses charges.

La reine tient la main de son fils aîné lorsqu’elle décède en 1818 assise dans son fauteuil dans sa demeure de campagne située dans le Surrey. Sa mort marque le début d’une nouvelle ère pour l’Angleterre, celle de l’institution de l’empire britannique et de la débauche des rois de Hanovre. Mais finalement, ce fut sa petite-fille Victoria qui remit sur pied un royaume en perte de vitesse. Sa descendance règne encore et toujours sur le Royaume-Uni de nos jours mais aussi sur la Suède, la Norvège, le Danemark ou encore l’Espagne.