Les princes de la Tour

La guerre des Deux Roses embrase le sol britannique depuis presque trente ans quand les fils d'Edward IV connaissent un destin tragique. Cette guerre qui fractionne la société britannique durant de longues années s'achève par un acte sanguinaire et cruel décrié par beaucoup. L'heure est venue de vous conter ce crime célèbre sur fond de mystère. 

 

Quand les Maisons de Lancastre et d'York se disputent le trône

Edward IV obtient le titre tant convoité en 1461 mais sa position n'est pas assurée. Henri VI de Lancastre, qu'Edward a réussis à destituer pour obtenir la couronne, continue à exprimer ses convoitises par la voie de ses soutiens militaires. Le règne d'Edward IV n'est pas de tout repos puisque Henri VI réussit à retrouver le trône pour quelques mois en 1470. Sur le sol de Tewkesbury, Edward élimine définitivement la menace de Henri le 4 mai 1471. S'ouvre alors une période de onze années où la paix semble faire son grand retour dans le royaume d'Albion.

Après s'être rapproché de son voisin français Louis XI, Edward tombe gravement malade et rend son dernier souffle le 9 avril 1483. Son fils Edward V lui succède. Mais le nouveau roi n'a que douze ans. Edward IV avait pris la précaution de nommer son frère Richard, duc de Gloucester, Lord Protecteur du royaume et tuteur de son fils pendant sa minorité, pour assurer la puissance de la Maison d'York.

 

Edward V, un roi jeune et faible

A son accession, Edward V se trouve à Ludlow auprès de son oncle maternel. La reine-mère Elizabeth Woodville, et les membres de sa famille, jouissent d'une immense influence à la cour. Ils souhaitent que le jeune roi soit immédiatement couronné mais Richard veut garder la gouvernance du royaume. Finalement la date du sacre est fixée au 4 mai, tandis que Richard préside le conseil de régence. Le roi fait son entrée dans Londres, entouré de son oncle et de son fidèle allié le duc de Buckingham, au début du mois de mai.

Le couronnement est repoussé au 24 juin. En attendant, Edward V est installé dans les appartements royaux de la Tour de Londres. A cette époque, ce monument londonien n'a pas cette réputation sanglante qu'on lui accorde aujourd'hui. Il est en fait une résidence royale comme les autres. La reine-mère Elizabeth comprend que quelque chose est en train de se passer. Elle craint pour sa sécurité et s'enferme avec ses enfants dans l'abbaye de Westminster. Richard fait alors arrêter les soutiens politiques d'Edward et fait encercler l'abbaye de Westminster. Il ordonne que lui soit remis son autre neveu Richard de Shrewsbury, duc d'York, qu'il envoie rejoindre son frère aîné dans la Tour.

 

Des princes en leur Tour

Le coup d'Etat de Richard de Gloucester ne fait plus de doute. D'autant qu'il construit un mensonge pour s'assurer l'obtention de la couronne. L'évêque de Bath affirme qu'Edward IV s'était engagé à se marier avec Eléonore Talbot avant de se marier à Elizabeth Woodville. Le Parlement accuse le souverain défunt de bigamie et rend invalide son union avec Elizabeth. Par ces termes, la descendance de l'ancien roi devient illégitime. Edward V ne peut prétendre à la couronne d'Angleterre. Richard a les mains libres. Il accepte la couronne que lui propose le Parlement avant d'être couronné le 6 juillet 1483.

Le désormais Richard III prend en charge le destin de ses neveux. Sa première action en tant que roi est d'assurer sa position. En cela, les fils d'Edward IV sont une menace. Richard craint une nouvelle guerre civile opposant les fidèles de son neveu et les siens. En aucun cas son pouvoir doit être fragilisé. C'est donc tout naturellement qu'il décide de les garder enfermés dans la Tour.

Les princes s'occupent comme ils peuvent entre les murs de leur prison. En septembre 1483, le médecin d'Edward V, prénommé Argentine, semble être la dernière personne à les avoir vu. Il les décrit comme enfermés dans une extrême "mélancolie". Par la suite, plus aucun rapport de la Tour ne mentionne la présence des princes. Disparus corps et âme, la fin de leur existence pose question. Très vite, des rumeurs naissent dans les rues de la capitale anglaise. Richard III serait-il à l'origine de leur disparition pour éliminer une menace réelle sur son pouvoir ? En 1502, un chevalier fidèle à Richard III a bien confessé avoir tué les princes en les étouffant sous des matelas, mais au prix de plusieurs heures de torture. Ce témoignage peut donc être sujet à caution.

 

L'énigme des princes disparus

La thèse de l'assassinat semble la plus probable mais reste contestée. Henri Tudor, comte de Richmond, prend les armes contre Richard III. Il veut destituer ce roi autoritaire pour s'octroyer le trône. Le 22 octobre 1485, Henri Tudor et Richard III s'affrontent à Bosworth. Au cours de cette bataille, Richard est tué par les hommes d’Henri. La mort de Richard III met fin à la guerre des Deux Roses, alors que Henri ceint la couronne de Saint Edward. Henri VII doit lui aussi imposer son pouvoir. Pour se faire, il épouse la sœur aînée des deux princes et mène une propagande contre son prédécesseur. Les écrits Tudor contribue à la création de l’image noire de Richard III, assassin de ses neveux. La célèbre pièce éponyme de Shakespeare participe largement à cette propagande noire. Au service de la politique des Tudors, la mort des princes de la Tour légitime l’accession de cette nouvelle dynastie. Au prix de la vérité, la politique défavorable au dernier souverain York crée un imaginaire commun qui perdure de nos jours.

Les os de deux enfants sont découverts en 1674 alors que la Tour de Londres est restaurée. Charles II pense qu’il s’agit des restes des princes disparus deux siècles plus tôt et organise des funérailles. En 1933, George V ordonne d’autopsier ces corps. S’il s’agit bien de dépouilles d’enfants, rien ne montre que nous sommes en présence des deux princes. Leur âge et leur sexe restent d’ailleurs incertains.

 

En somme, aujourd’hui, Richard III l’assassin s’oppose à la victime d’une propagande malsaine. Ces théories ne permettent pas d’éclaircir le destin d’Edward V et Richard d’York. Ont-ils été exécutés cruellement ? Ont-ils été gardés secrètement loin de la Tour de Londres par Richard III puis Henri VII pour garantir leur pouvoir ? Le mystère des princes de la Tour reste entier…