Buckingham Palace, au coeur de la monarchie britannique

Penser la monarchie britannique, c’est lui associer toute une liste d’objets et monuments la représentant. Indubitablement, Buckingham Palace est l’un d’entre eux. Sa haute façade, où la symétrie et les lignes droites rythment sa silhouette, impose véritablement cette institution dans le paysage londonien. En Angleterre, la monarchie n’est pas un mythe. Elle est physiquement présente. Et Buckingham Palace en est son plus beau représentant.

Passez ses splendides grilles de bronze doré, Buckingham Palace vous invite au cœur de l’histoire britannique.

 

Buckingham House, l’aristocratie prend possession de Londres

George Goring, comte de Norwich, est un aristocrate fortuné, et il veut le montrer. Le meilleur moyen ? S’implanter dans la capitale, au plus près du pouvoir. Le quartier de Westminster paraît donc l’endroit idéal. En 1633, il fait bâtir un manoir à qui il donne son nom. Mais le terrain appartient toujours à la Couronne. Pour rester, il doit payer un loyer. Goring est dépensier, au point de ne pas pouvoir payer la totalité des loyers. Criblé de dettes, il est obligé de s’en séparer. Henry Bennet, comte d’Arlington, rachète le manoir. Mais en 1674 il est victime d’un incendie. Arlington décide de bâtir un nouveau manoir qui correspond à ses goûts.

Trente ans plus tard, plus précisément en 1703, les descendants d’Arlington vendent le domaine à John Sheffield, duc de Buckingham et Normanby. Le favori de la reine Anne a toujours été fidèle aux Stuart, malgré son approbation de la Glorieuse Révolution. Pour le récompenser, elle le fait duc de Buckingham et lui offre une fortune colossale. C’est ainsi qu’il devient le nouveau propriétaire du domaine. Il fait démolir le manoir d’Arlington et fait dresser une nouvelle demeure aux goûts du jour. De style classique, le manoir est dessiné par William Winde. Buckingham House est née. Le duc adore tellement sa demeure qu’il la choisi comme lieu de retraite après l’accession au trône de George Ier Hanovre en 1714. C’est même dans sa chambre de Buckingham qu’il termine ses jours en 1721.

Les descendants du duc de Buckingham ont du mal à entretenir cette couteuse propriété. La reine Charlotte, épouse de George III, est tombée follement amoureuse des lignes strictes mais agréables de Buckingham House. Elle fait pression pour que son époux l’achète. En 1763, le roi fléchit et finit par en devenir le nouveau propriétaire. La reine Charlotte passe à Buckingham des jours heureux. Loin du protocole et de la vie de cour, c’est à Buckingham qu’elle décide de se reposer.

 

Un manoir devenu palais

George III rend son dernier souffle en 1820. Avant l’heure fatidique, le vieux monarque était devenu presque aveugle et accumulait les excès de folie. Pendant cette période, son fils aîné devenait le prince régent, comme un avant-goût du pouvoir. George IV est différent de son défunt père. Amoureux du luxe et de la fête, il est aussi très hautain. Il veut une demeure à la hauteur des fêtes qu’il organise. Ce sera Buckingham. A peine arrivé sur le trône qu’il entreprend son agrandissement. Le palais de Buckingham naît alors des mains de l’architecte britannique John Nash.

Autour d’une cour d’honneur ouverte, un palais de style néo-classique sort de terre. L’entrée principale de la cour est matérialisée par une arche de triomphe à trois ouvertures, construite sur le modèle de l’arc de Constantin à Rome. La décoration de l’intérieur du palais est confiée à Charles Long qui imagine un décor rempli de stucs et de lapis bleus et roses. Les plafonds sont habillés de plâtres sculptés pour offrir des pièces richement décorées.

Mais c’est de trop pour Guillaume IV qui succède à son frère en 1830. Le nouveau roi a des goûts plus simples. Il a la charge de terminer les travaux de ce palais encore inhabité par ses propriétaires royaux. D’autant que la presse et le Parlement prennent fait et cause contre les coûts trop élevés de ces travaux. Guillaume IV demande à Edward Blore d’imaginer un bâtiment plus massif mais moins pittoresque que ce qu’avait préféré John Nash. Une fois les travaux achevés, Guillaume IV tient à Buckingham quelques réceptions mais se refuse à y séjourner. A Londres, il préfère la simplicité de sa demeure voisine qu’il s’était fait construire quand il était encore prince : Clarence House.

 

Le plus grand jardin privé de Londres

Buckingham ne peut se dissocier de son jardin. Cet immense parc à l’anglaise est d’abord l’œuvre de Capability Brown, mais lorsque John Nash entreprend ses travaux il ne résiste pas à redessiner également les jardins qu’il termine en 1828. Un grand parterre d’herbes fait face à l’édifice, quand des décors fleuris l’entourent. Se promener dans ces jardins, c’est visiter un véritable musée. Les œuvres d’art sont nombreuses à le sublimer. Parmi elles, nous pouvons apprécier un immense vase qui porte le nom de Waterloo. Ce dernier a été réalisé à la demande de l’empereur Napoléon Ier en prévision de ses futures victoires. Mais en 1815 il doit abdiquer et son vase inachevé est récupéré par le futur George IV. Devenu roi, il le fait terminer par Richard Westmacott pour être ensuite déposé dans les jardins de Buckingham où il est aujourd’hui encore visible.

Les jardins de Buckingham Palace sont le théâtre de Garden Parties grandiose. Autour du souverain, plus de 8 000 anonymes viennent déguster un thé et des mignardise au son de God save the King/Queen. Cette tradition remonte à la reine Victoria qui voulait se mêler à son peuple de la manière la plus proche et la plus simple possible. Depuis, elles demeurent une institution britannique puisqu’elles sont organisées trois fois par an et continuent à attirer une foule de curieux répondant à l’invitation royale. En plus de cela, en 2002, ils ont été pour la première fois ouverts au public. Depuis, il est possible de les visiter durant les périodes d’ouverture du palais.

 

L’ère victorienne, l’apogée de Buckingham Palace

En 1837, Victoria monte sur le trône britannique. Cette toute jeune souveraine de 18 ans n’a qu’une idée en tête lorsqu’on lui pose la couronne de Saint-Edward sur la tête : prendre possession de son nouveau palais. Elle veut faire de cette demeure qu’elle apprécie sa résidence londonienne principale. C’est finalement chose faite. Le Parlement délocalise le siège de la monarchie du palais Saint James à Buckingham Palace. Les grandes heures de Buckingham commencent.

En premier lieu, Victoria apporte son premier changement au palais. Elle n’aime pas l’arche qui sert d’entrée du palais. Selon ses propres mots, ses carrosses sont trop larges et l’arche trop étroite. Le Parlement est finalement d’accord, il le délocalise au bord de Hyde Park.

Les premiers temps de la vie de cour à Buckingham ne sont pourtant pas très propices à la bonne publicité. Aux yeux des courtisans, en hiver il fait froid, les cheminées laissent entrer la fumée, et les lampes à gaz qui sont installées ont fait accumuler le gaz dans les étages inférieurs. En bref, il ne fait pas bon vivre à Buckingham. D’autant qu’il y a un sérieux problème de sécurité. Durant l’année 1838, un jeune garçon a réussi à vivre au palais toute une année sans se faire apercevoir du personnel ou des courtisans. Mais en 1840, Victoria épouse Albert de Saxe-Cobourg-Gotha. Le prince a l’ambition de remettre de l’ordre dans tout cela. Il réorganise le personnel et règle les problèmes de chauffage. Albert devient le réel maître de maison. L’heure est alors à la fête. Victoria est férue de musique, de danse et de bals. Elle accueille alors à Buckingham les plus grands artistes de son temps tels que Félix Mendelssohn ou Johann Strauss II qu’elle fait jouer dans sa grandiose salle de bal.

Victoria et Albert voient leur famille s’agrandir. En dix ans, ils donnent naissance à neuf enfants. Le palais devient peu à peu trop petit pour accueillir leur famille et la cour. Une nouvelle aile est ainsi imaginée par Edward Blore qui vient fermer la cour d’honneur. Le couple royal a une conception bien à eux de leur fonction. Contrairement aux monarques précédents, Victoria veut être visible de son peuple. Présente tout en restant distante, elle pourra engendrer une certaine admiration de la part de son peuple et ainsi sauvegarder leur amour. Pour ce faire, Albert a l’idée d’incorporer à la façade un balcon d’où ils pourront apparaître devant le peuple à chaque grande occasion. Buckingham Palace commence à avoir son apparence finale.

Oui mais voilà, les heures de gloire de Buckingham prennent brusquement fin en 1861. Le prince Albert meurt subitement. Victoria n’arrive pas à se remettre de cette perte et s’enferme dans un veuvage excessif. Elle quitte la scène publique pendant dix années, une période durant laquelle, la reine se refuse de vivre à Buckingham. A l’inverse, elle préfère de loin le calme de Balmoral en Ecosse, du château de Windsor ou de Osborn House sur l’île de Wight. Pendant ce temps, Victoria fuit Buckingham pour n’apparaître qu’en de rares occasions comme lors des festivités pour son jubilé de diamant. L’ère victorienne s’achève donc par un temps troublé que le nouveau monarque a bien l’intention de mettre un terme.

 

Le temps du renouveau

En 1901, Edward VII succède à sa mère. Le roi dépensier et amoureux de la fête veut redonner la fonction originelle de Buckingham. Sous son règne, les bals rythment la vie de la cour Saint-James de nouveau installée à Buckingham. Entourés de magnifiques œuvres d’art, comme des tableaux de Rembrandt, Rubbens ou Van Dyck, les aristocrates dansent jusqu’au bout de la nuit. Edward VII est né en ce palais en 1842, mais c’est aussi entre ces murs qu’il meurt en 1910. Il est le seul souverain à être né et décédé au palais.

George V devient le nouveau monarque du Royaume-Uni. Il est total contraire de son père. Face aux frivolités d’Edward VII se dresse le sérieux de George V. Le roi veut une nouvelle façade au palais qui correspond mieux à son tempérament. En 1913, une façade au style néo-classique inspirée des palais français du XVIIe siècle commence à être érigée. Le but ? Montrer au monde la puissance de l’empire britannique. D’autant que deux ans auparavant, un mémorial imposant pour la reine Victoria a été inauguré entre le palais et le Mall, les Champs-Elysées londoniens. Cette nouvelle façade devra permettre de le mettre davantage en valeur. En plus de cela, un balcon plus imposant est incorporé au palais. Il se place totalement dans la conception de la fonction royale de George V. La famille royale doit être une famille parfaite et visible que le peuple doit adorer et admirer. Depuis cette date, les apparitions au balcon se suivent mais ne se ressemblent pas. Entre les couronnements, les Trooping the Colour et autres événements exceptionnels, les apparitions au balcon deviennent une tradition immuable. Buckingham Palace obtient désormais son dernier visage.

 

La Seconde guerre mondiale, les heures sombres de Buckingham Palace

Si le palais est épargné des bombardements ennemis durant la Première guerre mondiale, ce n’est pas le cas de la Seconde. En 1940, Londres connaît un bombardement intensif de la part des forces aériennes nazies. C’est le Blitz. Hitler pense que pour affaiblir le moral des troupes britanniques il faut atteindre la personne pour qui ils se battent : le roi. George VI se refuse de quitter Londres et continue à travailler à Buckingham mais passe ses nuits à Windsor. Depuis son palais, il diffuse de nombreux discours radiodiffusés pour encourager son peuple et ses troupes à combattre la barbarie nazie. Les nazis sont décidés à mettre un terme à cette institution si chère aux cœurs des Britanniques. Il n’hésite pas à bombarder à sept reprises le palais, détruisant la chapelle qui a vu se faire baptiser la princesse Elizabeth. Une bombe tombe même dans la cour d’honneur alors que le couple royal était présent.

Courageux, George VI et Elizabeth sortent de leur palais et viennent constater les dégâts, se mêlant à la foule de Londoniens victime des bombes ennemies. Le message est clair : le couple royal ne baisse pas les bras et invite son peuple à faire de même. Les Britanniques sont véritablement admiratifs face à leur comportement. Elizabeth a même des mots forts, largement relayés par la presse, à ce moment-là : « Je suis contente que nous ayons été bombardés. Maintenant je peux regarder l’East End dans les yeux. »

Le 8 mai 1945, le Royaume-Uni sort victorieux du conflit. Pour fêter l’événement, les Britanniques courent se masser devant le palais criant devant les grilles fermées « On veut voir le roi ». George VI ne résiste pas et accumule les apparitions au balcon entouré tantôt de son épouse, tantôt de toute sa famille. L’une d’elles se fait même en compagnie du Premier Ministre Winston Churchill. C’est donc entre les murs de Buckingham que se joue l’un des événements les plus importants de l’histoire britannique.

 

La vie de cour à Buckingham Palace

Depuis George V, la vie de cour à Buckingham a très peu changé. Dîners d’Etat, anoblissements, investitures sont des cérémonies grandioses qui rythment la vie à Buckingham. En ce palais, la monarchie se met en scène. Quand les hommes portent l’uniforme ou la jaquette, les femmes doivent porter des robes sublimées par un tiare (pour les femmes mariées) ou des plumes.

A Buckingham se tient aussi la cérémonie de présentation annuelle des jeunes aristocrates de la société britannique. Vêtues de leur plus belle robe, elles sont présentées au souverain, accomplissant ce passage obligé pour faire son entrée dans la bonne société. Mais en 1958, la reine Elizabeth II décide d’y mettre un terme, jugeant cette cérémonie désuète.

 

Elizabeth II ou la monarchie accessible

Mais ce n’est pas le seul grand changement accompli par Elizabeth II en ce palais. Elle met un terme au dress code qui lui est associé en accordant le smocking et le port de vêtements plus simples. En plus de cela, l’incendie du château de Windsor en 1992 offre un changement inédit dans l’histoire du palais. Pour la première fois, il ouvre ses portes aux touristes. Pour financer les travaux de réparation, le Parlement décide de créer un parcours touristique à Buckingham durant les vacances d’été de la souveraine à Balmoral. La reine donne volontiers son accord. C’est un véritable succès, au point que vingt-cinq ans plus tard, il demeure un monument incontournable des touristes venus visiter la capitale anglaise.

Buckingham est aussi le théâtre de nombreuses festivités liées à la vie de la souveraine. En dehors du Trooping the Colour qui fête l’anniversaire officiel de la reine, Buckingham Palace offre son décor grandiose pour le jubilé de diamant en 2012. Autour du Victoria Memorial, une scène est dressée pour un immense concert où une dizaine de stars de la pop anglaise s’enchaîne pour faire danser la famille royale et les Britanniques venus y assister. En 2002, il offre aussi ses jardins pour un concert qui fête les 80 ans de la reine. Sur ses toits, le guitariste du groupe mythique The Queen, Brian May, joue un God save the Queen. L’instant est mémorable. Enfin, c’est en ces lieux que sont généralement capturés les portraits officiels des mariages royaux. Parmi eux, on compte celui du prince William qui pose fièrement dans la salle du trône du palais avec son épouse Kate Middleton.

Mais c’est aussi depuis l’un de ses salons d’apparat qu’Elizabeth II prononce son discours télévisé lors de la mort de la princesse Diana. Face au désamour de son peuple qui jugeait le comportement de la monarque trop froid face à l’événement, Elizabeth II se doit d’intervenir. Présent dans les temps heureux de la monarchie, Buckingham Palace s’impose finalement en toutes occasions.

 

Buckingham Palace demeure le palais de la monarchie britannique. Loin devant le château de Windsor, penser à cette institution, c’est forcément imaginer la façade unique de ce monument. Apparu dans le paysage commun des Britanniques sous la reine Victoria, son histoire remonte finalement bien avant le XIXe siècle. Mais c’est par l’intervention de cette femme de caractère et ses descendants qu’il s’impose aujourd’hui comme l’un des châteaux les plus connus au monde. Son style typiquement français peut induire en erreur. Pourtant celui qui n’est français que de forme est bien anglais, et il le revendique. Témoin clé de l’histoire contemporaine du Royaume-Uni, Buckingham Palace est, et restera, le palais officiel de la monarchie britannique.