Windsor - un château au coeur de la monarchie britannique

1066, Guillaume, duc de Normandie, débarque sur les côtes anglaises. Il s’empare du trône Outre-Manche des mains d’Harold II. Guillaume, désormais surnommé le Conquérant, était alors contesté par certains après cette prise forcée du trône d’Angleterre. Sa capitale, Londres, devait ainsi être protégée d’éventuelles attaques de ses ennemis. C’est ainsi que Guillaume Ier d’Angleterre ordonna la construction d’une série de forteresses situées à environ trente kilomètres de la capitale. Windsor était l’une d’entre elle.

C’est dans ce contexte que naquit le château considéré aujourd’hui comme le plus vaste et le plus ancien encore habité au monde. S’il connut de nombreuses modifications architecturales et des agrandissements, Windsor sut garder une marque de chaque période qui suivit à la suite du règne de Guillaume le Conquérant. Par ce fait, nous pouvons dire que Windsor demeure le berceau de la monarchie britannique. Un château qui abrita continuellement cette monarchie millénaire qui vu le jour par une conquête normande.

 

La forteresse devenue résidence royale

Au départ, Guillaume le Conquérant voyait en Windsor, une petite ville située à une quarantaine de kilomètres de l’Ouest de Londres, un lieu pouvant accueillir une simple forteresse. Ce lieu fut choisi pour sa position géographique et stratégique puisqu’elle est située non loin de la Tamise, une importante route commerciale, ce qui permettait de la contrôler, et elle possédait une grande foret utilisée depuis longtemps par les rois anglo-saxons pour la chasse. Cette forteresse défensive était simplement constituée d’une motte artificielle surmontée d’un donjon de bois entouré tout d’abord d’une ceinture d’enceintes en bois puis d’une seconde en pierre qui lui donna sa forme actuelle. Par la suite, au début du XIIe siècle, le donjon de bois fut remplacé par une construction de pierre de forme circulaire. C’est en 1110 que la forteresse fut ensuite convertie en résidence royale par Henri Ier en devenant le premier souverain à s’y installer. Mais c’est sous le règne d’Henri II que le château connut des agrandissements de grande ampleur. Il fit reconstruire le donjon qui était trop fragile en plaçant ses murs aux bords de la motte, et fit bâtir des lieux d’habitation plus vastes autour du donjon.

 

Un château royal

Sous Jean Sans Terre, le château connut plusieurs sièges par les barons anglais en 1214 et 1215, mais ses caractéristiques défensives lui permirent de résister. Jean Sans Terre développa également les bâtiments d’habitation au cours de son règne. Son successeur Henri III entreprit quant à lui le développement des défenses du château en construisant des tours dans la partie basse et en renforçant les murs d’enceinte. De plus il développa les lieux d’habitation en construisant un palais sur la partie haute du château autour d’une cour centrale. C’est d’ailleurs sous son règne qu’une première chapelle fit son apparition. Les travaux d’Henri III, luxueux, sont considérés comme les plus représentatifs de l’art médiéval anglais. C’est grâce à lui que Windsor acquit sa principale caractéristique : une division entre une partie haute pour les appartements privés, et une partie basse ouverte sur l’extérieur, qui entourent un donjon central.  

 

Des liens étroits avec la monarchie

Edward III marqua considérablement le développement du château. En 1348, celui-ci créa l’ordre de la Jarretière qui devient l’ordre de chevalerie le plus élevé d’Angleterre. Il décida que le siège de ce nouvel ordre serait Windsor où un banquet annuel était offert. Edward III était très attaché à ce palais qui l’a vu naître. Il prit donc la décision de remodeler le château d’Henri III afin de faire de Windsor le château représentatif du pouvoir royal et de l’ordre de la Jarretière. Pour se faire, il fit construire un édifice comprenant trois cours différentes dans la partie haute au lieu d’une, et le Saint George’s Hall dans la partie basse qui contenait une nouvelle chapelle et une nouvelle salle de réception. C’est d’ailleurs dans ce nouveau bâtiment qu’était désormais située l’entrée principale. Le Saint George’s Hall était le plus haut édifice de l’ensemble du palais et il était muni d’un toit linéaire unique pour l’époque. De plus il fit construire des appartements luxueux pour sa cour sur la partie haute. C’est par ces appartements de nobles qu’apparait la cour carrée encore visible aujourd’hui. En plus d’être une résidence royale de grande ampleur, le château de Windsor servit également de lieu d’emprisonnement du roi de France Jean II le Bon, à la suite de sa capture lors de la bataille de Poitiers en 1357. Ainsi c’est sous Edward III que Windsor reçut le plus d’intention de la part du souverain anglais faisant de celui-ci le palais principal de la monarchie.

Edward IV prit le pouvoir en 1461 à la suite du conflit entre les maisons de Lancastre et d’York. Si Windsor tomba en désuétude durant la guerre des Deux Roses, il reprit son importance par de nouveaux travaux réalisés par Edward IV dont le principal est sans aucun doute la nouvelle chapelle Saint George en style gothique, encore présente de nos jours.

 

Windsor et les Tudors

Henri VII Tudors monta sur le trône en 1488, mettant fin à la guerre civile qui durait depuis trente ans. C’est sous son règne que Windsor commença à être utilisé comme lieu d’événements diplomatiques en recevant les souverains étrangers en visite en Angleterre. Mais c’est son fils, Henri VIII, qui apporta véritablement de fortes modifications au palais contrairement à lui. Tout d’abord il entreprit la reconstruction de la porte d’entrée principale, puis il fit construire une grande terrasse de bois le long de la façade Nord du château qui donne sur la Tamise. Cependant Edward VI et Marie Ière ne s’intéressaient pas à Windsor, qu’ils détestaient. Il ne fut utilisé que lorsque le souverain devait se réfugier lors de révoltes ou durant des épidémies de peste à Londres. Quant à Elizabeth Ière, le château obtenu une grande place dans le cœur de la reine en devenant son palais préféré. Elle y passa la majorité de son règne surtout pour ses capacités de défense étant donné que celle-ci était très contestée pour être la fille bâtarde d’Henri VIII. Elle entreprit certains travaux comme la conversion de la terrasse de bois d’Henri VIII en une terrasse permanente en pierre. Il fut aussi utilisé comme outil diplomatique lors de réceptions avec des hôtes étrangers mais le manque de places se développa rapidement.  

 

La Première Révolution d'Angleterre et la Restauration de la monarchie

Durant la Première Révolution anglaise, les Parlementaires prirent le contrôle de l’édifice et se mirent à détruire de nombreux symboles de la monarchie comme la tombe d’Henri VIII, l’argenterie, les livres et les vitraux de la chapelle Saint George. Le palais servit également de prison pour Charles Ier durant quelque temps avant son exécution en 1649.  

Quand Charles II reprit le trône de son père en 1660, il entreprit la restauration du château qui avait été partiellement détruit par les républicains. Tout d’abord il renforça les fortifications et rénova la tour ronde (l’ancien donjon) pour y installer ses appartements privés. Il agrandit les appartements d’Etat afin d’instaurer une nouvelle étiquette à la française. De plus, il imposa un nouveau style intérieur à Windsor : le baroque. Ainsi il rénova le Saint George Hall dans un style baroque très riche. C’est sous son règne que la façade Est de la partie haute (côté jardin) prit sa forme actuelle dans un style classique anglais.

 

La dynastie Hanovre, restauratrice de Windsor

Si George Ier et George II s’étaient complètement désintéressés du château, George III, amateur de chasse, souhaita reprendre ses droits sur celui-ci après avoir été offert à des amis de la Couronne durant de nombreuses années. Il reconstruit alors l’extérieur dans un style gothique et l’intérieur se dota de nouvelles pièces et d’un grand escalier gothique. George III et sa famille se replièrent dans ce château au fur et à mesure que son règne s’écoulait jusqu’à ce qu’il rende son dernier souffle dans les murs de Windsor en 1820.

George IV s’entreprit dès le début de son règne à modifier le château. Il offrit à la partie haute sa forme définitive, il augmenta la hauteur de la tour ronde pour la rendre plus imposante et les appartements privés du roi furent créés à l’écart des appartements d’Etat. Windsor devenait alors un palais officiel, d’Etat, mais aussi privé durant toute l’année. Il fit donc des travaux colossaux pour faire peu à peu complètement disparaître le palais du XVIIe siècle.

Sous le règne de la reine Victoria le château devient la résidence principale du souverain. Le château est alors devenu un véritable théâtre de diplomaties entre plusieurs Etats européens par leurs liens dynastiques avec la monarque. Elle était particulièrement attachée à ce palais historique malgré la possession de nombreuses résidences comme Balmoral en Ecosse ou Osborne House sur l’île de Wight. C’est d’ailleurs dans la chambre bleue de Windsor que le prince Albert, mari de Victoria, mourut le 14 décembre 1861. Par la suite, le château demeura presque jusqu’à la fin du règne de Victoria en deuil où la reine aimait se retirer pour retrouver la chambre de son mari tel qu’il l’avait laissé juste avant de mourir. C’est par ailleurs Edward VII qui entreprit le dépoussiérage du château après l’arrêt de son développement sous Victoria, en redécorant les salles, en enlevant les affaires de son père, en installant des lignes téléphoniques et en faisant construire des garages pour les automobiles nouvellement acquises.

 

Et le château donna naissance à une dynastie

La reine Mary de Teck, épouse de George V, entreprit de retrouver des meubles perdus ou vendus au cours du temps, augmenta les collections d’œuvres d’art du palais et fit construire une immense maison de poupée dans les années 1930 pour l’installer au château et l’offrir à ses petites-filles Elizabeth et Margaret. George V menait à Windsor une intense vie de cour qui l’obligeait à avoir un personnel important tout au long de l’année. Lorsqu’en 1914 la Première Guerre Mondiale se déclencha, le sentiment antigermanique n’avait jamais été aussi haut. La famille royale ayant des origines allemandes, George V se décida de faire disparaître toutes références à ces origines. Pour se faire, il changea le nom de la dynastie actuelle, Saxe-Cobourg-Gotha, en Windsor en référence au château.

George V meurt en 1936 et son fils Edward VIII lui succéda. Mais celui-ci abdiqua pour l’amour qu’il portait pour Wallis Simpson, une américaine protestante et doublement divorcée, qu’on lui interdisait d’épouser. Son discours d’abdication radiodiffusé fut prononcé dans les murs du château. C’est son frère cadet qui lui succéda sous le nom de George VI qui remit en place la cérémonie de l’ordre de la Jarretière à Windsor qui avait été arrêtée en 1805. Durant la Seconde Guerre Mondiale, le château fut préparé à un éventuel bombardement en renforçant les plafonds, en supprimant les chandeliers et en mettant en place des fenêtres blindées dans certaines pièces. La sécurité y fut renforcée puisque si officiellement la famille royale demeurait continuellement à Buckingham Palace, les princesses Elizabeth et Margaret demeuraient en fait toujours à Windsor et le couple royal travaillait à Buckingham pour rentrer le soir à Windsor. De nombreuses œuvres d’art furent mises à l’abri durant le conflit pour y être remises à leur place à partir de 1945.

 

Lorsqu’Elizabeth II monta sur le trône en 1952, elle fit de Windsor sa résidence de week-end. Elle entreprit des travaux de modernisation des appartements d’Etat dès le début de son règne. Mais le 20 novembre 1992, Windsor fut victime d’un grand incendie détruisant de nombreuses pièces et œuvres d’art du palais comme le Saint George Hall. Puisque le palais est une possession de la Couronne, les réparations devaient être payées par le contribuable mais celui-ci s’y opposa. Cette grave crise obligea le Parlement à prendre des décisions inédites dans l’histoire de la monarchie. La reine dut tout d’abord payer un impôt sur le revenu, financer une partie des réparations de ses deniers personnels, et aider à ce financement en ouvrant au public le palais de Buckingham à certaines périodes de l’année. L’essentiel des travaux visait à redonner aux pièces détruites leur apparence originelle. Ces décisions entrainèrent également l’ouverture au public du château une fois les travaux terminés en 1997. Windsor devient alors un haut lieu du tourisme britannique. Quant à Elizabeth II elle fit de ce palais sa principale résidence aussi bien dans la vie privée que publique par l’organisation de banquets avec des chefs d’Etat étrangers. Ainsi Windsor continue toujours à participer à l’écriture de l’histoire britannique en demeurant une résidence du souverain britannique.