Les enfants illégitimes des rois d'Angleterre

Sur les 45 monarques britanniques depuis l’avènement de Guillaume le Conquérant, 13 ont donné naissance à des enfants illégitimes. Cette descendance bâtarde va travailler elle aussi à la gloire de la monarchie britannique. C’est l’histoire parallèle à celle de la Couronne d’Angleterre, plus ou moins cachée, plus ou moins politique des enfants illégitimes des rois d’Angleterre.

 

La naissance des FitzRoy

Henri Ier Beauclerc monte sur le trône anglais en l’an 1100, en succédant à son frère aîné Guillaume II. Fils de Guillaume le Conquérant, il a la charge d’imposer l’autorité de sa famille normande sur les îles britanniques. Le 11 novembre de la même année, il épouse Mathilde d’Ecosse qui lui donne deux enfants : la future Mathilde l’Emperesse et Guillaume Adelin. Henri ne suit pas l’exemple de son père qui est resté toute sa vie fidèle à sa belle épouse Mathilde de Flandre. Très vite, il accumule les maîtresses. Si leur identité est demeurée de façon générale secrète, elles lui offrent une nombreuse descendance illégitime dont il a bien l’intention de se servir dans ses desseins politiques.

Sa descendance officielle lui fait défaut. Mathilde d’Ecosse ne lui a donné que deux enfants. La succession est fragile. A la mort de Mathilde en 1118, il épouse en secondes noces Adélaïde de Louvain, espérant qu’elle lui donne un second héritier, mais le mariage demeure stérile. Désespéré, Henri reconnaît la totalité de ses enfants illégitimes.

La lignée FitzRoy est née. Pour la première fois de l’histoire anglaise, une lignée bâtarde obtient un rôle officiel à la cour St James en obtenant notamment des titres de noblesse. FitzRoy signifie littéralement « fils de roi ». En un seul mot, Henri donne une légitimité à ses bâtards.

Il se sert de ses enfants pour poursuivre sa tâche : imposer son autorité sur un royaume fragile. Par leur mariage, il entend étendre son influence. Son fils aîné illégitime, Robert de Gloucester doit épouser Mabel, fille et héritière du Lord de Gloucester, pour obtenir une main mise sur de nombreux territoires de Grande-Bretagne et de Normandie. Julienne est ainsi mariée au fils illégitime du comte de Breteuil pour assurer au roi des alliés dans les fiefs anglais continentaux, lui permettant la conquête du duché de Normandie aux mains de son frère Robert Courteheuse. Mathilde est mariée quant à elle au duc de Bretagne. Sibylle épouse le roi d’Ecosse Alexandre Ier.

 

Lignée illégitime : une tradition royale

Les Plantagenêt ne vont pas faire exception à cette nouvelle tradition née sous les Normands. Cette maison offre neuf monarques à la Couronne d’Angleterre. Cinq d’entre eux donnent naissance à une descendance illégitime. Chacun portera lui aussi le patronyme de FitzRoy, chacun servira la cause de leur père par des mariages politiques, beaucoup prendront les armes pour défendre les intérêts du roi.

Parmi ces destins parallèles à la succession officielles à la couronne, il en est un dont l’histoire a davantage retenu le nom : John de Southeray. Edward III est le dernier Plantagenêt à donner naissance à une lignée illégitime. Sur ses trois bâtards, John de Southeray est le plus remarquable. Né vers 1364 de la liaison du roi avec Alice Perrers, une dame de compagnie de la reine Philippa de Hainaut, John est adoubé en la chapelle Saint-George du château de Windsor en 1377. Il est ensuite marié à Maud Percy, fille du troisième baron Percy. Leur mariage ne survit que trois ans. En 1380, Maud obtient l’annulation de son union. John bénéficie des largesses de son père. Par sa naissance, il permet aussi à sa mère Alice Perrers de s’imposer comme l’aristocrate la plus riche du royaume. Le roi les couvre de présents et de droits financiers. En 1381, il participe aux guerres fernandines au Portugal avant de mourir quelques années après son retour.

 
Arthur Plantagenêt, l'ami d'Henri VIII

Edward IV est le premier souverain de la maison d’York. Fils du duc d’York Richard Plantagenêt, arrière-arrière-petit-fils d’Edward III, Edward IV forme sa propre maison après avoir été victorieux de Henri VI à la bataille de Towton en 1461. A cette date naît Arthur Plantagenêt à Calais, alors territoire britannique, d’une mère inconnue. Edward IV comptait de nombreuses maîtresses, si nombreuses qu’il est difficile aujourd’hui de connaître leurs identités.

La guerre des Deux-Roses oppose le camp des York et celui des Lancastre qui se disputent le trône pendant trente longues années. La mort d’Edward IV en 1483 ne met pas fin au conflit. Il faut attendre la victoire de Henri Tudor, dernier représentant des droits du camp Lancastre, sur Richard III d’York en 1485 pour imposer la victoire définitive des Lancastre. Pour apaiser les tensions, Henri VII épouse la fille d’Edward IV, Elizabeth d’York en 1486. Ensemble, ils donnent naissance au futur Henri VIII cinq ans plus tard.

Arthur Plantagenêt devient un allier et ami du futur roi. Bien que de trente ans son aîné, Arthur va être extrêmement proche de son neveu. Membre de la cour de Henri VIII, il est nommé à des postes de prestige comme shérif du comté d’Hampshire. Il l’accompagne même à la rencontre diplomatique du camp du drap d’or entre Henri VIII et François Ier en 1520. En reconnaissance de ses services, le roi le fait vicomte de Lisle en 1523 avant de devenir conseiller privé. Deux ans plus tard, il est même fait chevalier de l’ordre de la Jarretière. Il cumule les charges dont celle lord-député de Calais. A 79 ans, il est soupçonné de participer à des tractations pour livrer Calais aux Français. Si l’exécution lui est épargnée, il demeure emprisonné à la tour de Londres pendant deux ans. Finalement, Henri VIII décide de le libérer en mars 1542. Deux jours après avoir reçu la nouvelle de sa libération, Arthur meurt à la tour d’une crise cardiaque. Il restera dans les mémoires comme le fils bâtard le plus influent d’Angleterre et l’un des aristocrates les plus influents du règne de Henri VIII.

 

Le fils aîné d'Henri VIII

Henri VIII n’est pas en reste avec cette coutume de la succession bâtarde des monarques anglais. Henri souffre de ne pas réussir à donner naissance à un prince héritier. Il en va de sa réputation d’homme et l’avenir de son nom. A ses yeux, il est hors de question que sa fille Marie hérite de la couronne. Désespéré, Henri abandonne le lit de son épouse Catherine d’Aragon et commence à cumuler les maîtresses. L’une d’elle s’appelle Elizabeth Blount, fille d’un domestique de son père.

Elizabeth donne naissance à un garçon en 1519 qu’elle prénomme comme son royal amant. Henri VIII est si heureux de voir qu’il est capable d’engendrer la naissance d’un garçon qu’il le reconnaît comme son fils naturel et lui offre le patronyme FitzRoy. En 1525, Henri VIII le fait comte de Nottingham, duc de Richmond et de Somerset.

Par son sexe, Henri FitzRoy a une place toute particulière dans le cœur du roi. Henri VIII l’adore et le montre en lui offrant une éducation digne d’un prince. Nommé à des postes prestigieux comme Lord-lieutenant d’Irlande, c’est-à-dire représentant du roi en cette île, il commence une vie au service de la Couronne. Henri VIII hésite même à le faire roi d’Irlande avant que le royaume ne soit automatiquement associé à celui d’Angleterre en 1542.

En 1533, il est marié à la fille unique de Thomas Howard, duc de Norfolk. Leur union reste sans descendance. De santé fragile, il tombe malade de ce qui semble être la suette anglaise. Il rend son dernier souffle en juillet 1536 à l’âge de 17 ans.

 

Les 14 bâtards de Charles II

La première révolution d’Angleterre ensanglante le sol anglais à partir de 1642. Alors que Charles Ier mène ses troupes contre celles du parlement, sa famille part se réfugier en France auprès du jeune roi Louis XIV. Le prince de Galles fait partie des réfugiés anglais. Charles Ier finit décapiter en 1649. Pour la famille royale commence une ère d’errance dans toute l’Europe. Charles II réussit finalement à restaurer la monarchie en 1660 avec l’aide de George Monck. De retour en Angleterre, Charles prend son destin royal en main.

Jusqu’ici, aucune princesse ne voulait épouser ce roi sans royaume. Il arrive à négocier un mariage avec Catherine de Bragance, fille aînée du roi Jean IV de Portugal. Elle tombe plusieurs fois enceinte mais ses grossesses se soldèrent par des fausses couches ou la mise au monde d’enfants mort-nés. Charles II est désespéré. Il en va de l’avenir de sa maison. Son frère cadet Jacques a bien donné naissance à deux filles légitimes, mais il n’a aucunement l’intention de leur laisser la couronne.

Charles n’a jamais éprouvé un quelconque sentiment pour son épouse, mais il aime les femmes et ne peut s’empêcher de s’adonner au plaisir de la chair. Au cours de son règne, une vingtaine de maîtresses se sont succédées dans son lit. Avec elles, Charles II a pu donner naissance à une large descendance illégitime. Ce roi incapable de donner un héritier à la Couronne se voit entouré d’une ribambelle de bâtards FitzRoy impuissants face à l’avenir de la monarchie britannique. L'une de ses maîtresses est d'ailleurs restée célèbre pour avoir été espionne à la solde du roi de France Louis XIV. Louise Renée de Penancoët de Keroual va d'ailleurs lui donner un fils qui sera titré duc de Richmond. Ce dernier est l'un des ancêtres de la princesse Diana, de la reine Camilla et de Sarah Fergurson.

Le frère de Charles II, Jacques, donne lui aussi naissance à ses propres enfants illégitimes qui portent le nom de Fitz-James, puisqu’ils sont nés avant son accession au trône en 1685. James Fitz-James est notamment à l’origine d’une lignée d’aristocrates dont descend Cayetana Fitz-James Stuart, duchesse d’Albe et aristocrate la plus titrée d’Espagne.

 
La malédiction de Guillaume IV

Guillaume IV de Hanovre est le dernier monarque anglais à donner naissance à une descendance illégitime. Et pour cause, avant d’épouser Adélaïde de Saxe-Meiningen en 1818, Guillaume a eu une première vie. Le jour de ses noces, Guillaume a déjà 57 ans. Bien peu pressé de s’engager, il mène une vie libertine et oisive décrétée par son père George III.

Sa vie d’aristocrate célibataire profitant des plaisirs de sa condition lui a permis de cumuler les maîtresses. Il tombe notamment amoureux de Dorothea Bland, une actrice de théâtre anglaise provocatrice. De leur amour, naissent dix enfants qui portent le nom de FitzClarence (en référence au titre paternel de duc de Clarence). Ils naissent tous avant le mariage de Guillaume avec Adélaïde puisque le prince est obligé de mettre un terme à sa liaison avec son actrice pour éviter tous scandales.

Sur les épaules du couple reposent l’avenir de la maison de Hanovre. La fille unique de George IV meurt en couche en 1817. Guillaume apprend alors qu’il est le prochain roi. Son mariage doit permettre de donner naissance à une nouvelle descendance légitime. Adélaïde tombe enceinte à cinq enfants qui sont soit mort-nés soit décédés quelques heures après leur venue au monde. Guillaume est incapable de donner un héritier à la Couronne. C’est ainsi que seule sa nièce Victoria a la capacité de s’imposer comme une future reine.