Windsor face aux flammes

Une nuit hivernale s’installe sur l’Angleterre ce 20 novembre 1992. Elizabeth II part se coucher dans sa chambre de Buckingham quand une dame de chambre frappe à sa porte. L’ère grave et triste, elle lui annonce une terrible nouvelle : le château de Windsor est en proie aux flammes.

Voilà mille ans que l’ancienne forteresse appartient à la monarchie. Propriété de la Couronne, les trésors qu’il renferme sont inestimables. Devenue le cadre de vie d’une jeune princesse Elizabeth qui se protège des terreurs de la guerre, la demeure devient sa résidence favorite une fois sur le trône. C’est en ses murs qu’elle passe ses week-ends et la période de Pâques. Depuis Guillaume le Conquérant, Windsor a su garder des traces des souverains qui se sont succédés. Chacun l’a agrandi pour en faire le plus imposant château anglais.

Très vite, 250 pompiers s’organisent autour d’une personne : le duc d’York. Quand naît l’incendie, le prince Andrew est le seul membre de la famille royale à séjourner au château. Il conduit courageusement les soldats du feu pour sauver ce qui peut être sauvé. Des chaînes humaines formées par le personnel du château se dessinent dans la cour de la partie haute du château. Des tapisseries, tableaux, mobiliers, porcelaines et autres trésors de l’édifice sont mis à l’abris des flammes. Les pompiers versent des milliers de litres d’eau pour faire taire ce paysage effrayant. La lumière orangée surplombe un château en proie à une bataille de feu.

Le soleil se lève alors que l’incendie fait rage. Elizabeth II arrive sur les lieux. Cachée sous une capuche serrée, la reine peine à contenir son émotion. Elle constate impuissante l’ampleur des dégâts. Elizabeth II découvre le hall Saint-George, plus vaste salle du château, dévasté. Le comte de Wessex ne met pas longtemps à arriver sur les liens et prend part aux chaînes humaines. Il faut quinze heures aux secours pour maîtriser le feu destructeur.

Un projecteur utilisé pour les travaux de restauration de la chapelle privée de la souveraine aurait mis feu à un rideau. L’incendie se propage rapidement et réduis en cendres neuf des salons d’Etat et plus d’une centaine d’autres salles. Windsor a vécu l’une de ses heures les plus noire de son histoire cette nuit-là.

Vient l’heure des restaurations. Le duc d’Edimbourg et le prince de Galles, férus d’architecture, dirigent les activités. Les travaux sont placés sous la responsabilité de Giles Downes, membre du cabinet Sidell Gibson. Ils sont estimés à près de 700 millions de livres sterling. Windsor est une demeure de la Couronne. Elle appartient à l’Etat. Ce n’est en aucune manière une demeure privée de la reine. Le secrétaire du Patrimoine national dévoile donc publiquement que les contribuables auront la charge financière de cette restauration. Les médias s’insurgent. Comment le peuple britannique pourrait-il payé pour un château où seule une famille peut en profiter ? Pour eux, il semble évident que seule la reine doit financer la reconstruction. Les critiques hostiles s’accumulent alors que les travaux sont urgents. Jamais le sentiment anti-monarchique ne fut aussi élevé en terres anglaises. 

Pour mettre fin à cette crise, Elizabeth II a une idée. Pour la première fois dans l’histoire de la monarchie le palais de Buckingham est ouvert au public durant les deux mois d’été. La vente de tickets et de produits dérivés permet de récolter plus de 300 millions de livres sterling. A cela s’ajoutent les économies drastiques réalisées sur les subventions accordées aux autres palais royaux.

Les travaux peuvent alors commencés. 5 000 ouvriers s’attardent à redonner le panache des salons officiels et aux autres pièces du château détruits. L’eau déversée par les pompiers, plus pernicieuse encore que le feu, s’est infiltrée partout, détruisant les parquets et les plâtres. Du sol au plafond, tout est à refaire. Il est décidé de redonner aux pièces perdues leur apparence d’antan. Le bois de 70 chênes remplace les poutres effondrées du toit. Des kilomètres de fils électriques et de tuyaux sont dissimulés sous les murs épais. Le château est remis aux normes de sécurité grâce à des équipements modernes.

Les moulures des plafonds sont utilisées pour masquer les ouvertures connectées aux systèmes de ventilation. Le chauffage s’enfouit sous les panneaux de bois peints et les rebords des fenêtres. La restauration de Saint-George Hall, construit en 1828 par sir Jeffrey Wyatville, permet d’améliorer l’éclairage et les retransmissions télévisées. Des projecteurs réalisés en fibres optiques ainsi que les câbles de télévision et de radio sont cachés dans le nouveau plafond, surélevé à la demande du prince de Galles. A la place d’un enduit de plâtre peint imitant le bois, Giles Downes construit un toit inspiré du plus pur style gothique flamboyant. Une crypte est même découverte sous le hall Saint-George et restaurée sous l’autorité du prince Charles. De nouveaux vitraux sont réalisés pour la chapelle privée dont l’un d’entre eux reprend le dessin du duc d’Edimbourg représentant Saint George terrassant le dragon, la Sainte Trinité et un pompier.

Finalement, les travaux auront coûté 40 millions de livres sterling. Ils s’achèvent en 1997. La reine se dit enchantée du résultat. « Windsor a retrouvé son éclat. » La restauration du château a la caractéristique d’être quasi-familiale. Windsor devient ainsi à l’image du règne elizabethain : mêlant tradition et modernité.