Le Prince Impérial, un Français so British
Dans les bras de miss Shaw
La naissance du Prince impérial, le 16 mars 1856 au palais des Tuileries, relève du conte de fée. Héritier du trône impérial, Napoléon Louis Joseph Bonaparte est le fils d'un césar moderne, l'empereur Napoléon III, et d'une beauté aristocratique, Eugénie de Montijo de Guzman, comtesse de Teba.
De 1856 à 1867, le Prince impérial mène une enfance heureuse, confié aux soins d'une Britannique, miss Shaw, qui est littéralement folle de son lui et lui apprend l'anglais et lui inculque les principes d'hygiène et d'éducation d'outre-Manche, l'habillant volontiers en petit lord écossais.
Archi-choyé par son père et moralement investi d'une haute mission par sa mère, exposé aux flatteries permanentes des courtisans et objet de la sympathie populaire. Il est le "Petit Prince" à qui chacun, du "lundi matin" au "dimanche matin", rêve de "serrer la pince"... A partir de 1868, la montée des oppositions politiques l'atteint, notamment lors d'une séance de remise des prix aux lycées parisiens, où l'un des appelés refuse de recevoir son prix des mains du fils de Napoléon III. Premières larmes d'incompréhension et de déception... Mais c'est avec la guerre franco-prussienne de 1870 que s'évanouisse d'un seul coup l'innocence et l'insouciance. La défaite militaire à Sedan et la déchéance ce l'Empire signifie pour ce garçon ce 14 ans le début de l'exil...
Une adolescence londonienne
Depuis
Dans le manoir de Camden Place, en banlieue de Londres, les heures s'écoulent dans la mélancolie, dans l'espoir d'un éventuel retour de la fortune.
Officier de Sa Gracieuse Majesté
Difficile de s'appeler Napoléon et de ne pas être sensible à l'appel des armes. Chez le Prince impérial, c'est une véritable vocation, qui naît très tôt au contact des troupes qui assurent le service d'honneur dans les palais impériaux, qui s'exercent au camp de Châlons ou qui paradent au retour des campagnes. N'aimant rien d'autre que de porter lui-même l'uniforme, même tout bambin, "Loulou" rêve de gloire, pour lui et pour
Mais un vrai soldat ne saurait se contenter d'une vie de garnison ;
Died for Queen and Country
Ainsi partit vers l'Afrique australe le "beau prince" chanté par Rimbaud. Les recommandations faites par l'état-major de ne pas exposer le Prince impérial ne furent pas vraiment suivie d'effet ; mais c'est surtout la malchance - la déchirure de la sangle de la selle héritée de Napoléon III - conjuguée à la lâcheté de son mentor régimentaire, le capitaine Carey - qui s'enfuit devant les Zoulous. Désarmé, seul contre une armée d'indigènes, il tente de se défendre avec un pistolet mais en vain. Il tombe transpercé par dix-sept coups de lances. Les Zoulous respectent ce prince qui fut le seul homme à se battre durant la bataille. Ils se content de le déshabiller et de lui prendre ses armes avant de les restituer à l'armée britannique.
Officier de l'armée britannique tombé en opération extérieure, le Prince impérial, dernier prince à être né sur les marches du trône de France, est mort pour l'Empire britannique - mais son cercueil fut recouvert d'un drap tricolore. Dans le testament qu'il avait écrit avant de s'embarquer, il avait terminé par un hommage à la souveraine :
"Je mourrai avec un sentiment de profonde gratitude pour Sa Majesté d’Angleterre, pour toute la famille Royale et pour le pays où j’ai reçu pendant huit ans une si cordiale hospitalité".
Jamais peut-être en Angleterre, le deuil d'un prince étranger ne fut porté avec autant de solennité et de recueillement... Il est vrai qu'il s'agissait d'un jeune homme, auréolé du nom de Napoléon, et qu'il était le filleul de la reine Victoria ; mais la personnalité du défunt, son charme, son engagement, son courage expliquaient aussi cette communion dans le chagrin, pour le plus grand agacement des républicains français, qui ironisèrent même sur les exploits militaires de "Napoléon IV" et les circonstances de son décès. C'est le grand chambellan de la reine, lord Sydney, qui annonça à l'impératrice la triste nouvelle à l'impératrice Eugénie. La reine Victoria entoura l'impératrice Eugénie endeuillée avec toute l'affection d'une soeur ou d'une amie, et l'organisation des funérailles ressemblait en tout point à une cérémonie nationale.
Un souvenir présent au coeur des institutions britanniques
Soucieuse de pérenniser la mémoire du disparu, la reine Victoria décida l'installation d'un cénotaphe à l'effigie du Prince impérial au sein même de la chapelle Saint-Georges de son château de Windsor, à l'instar des princes de sa dynastie, l'oeuvre étant financée par une souscription nationale et confiée au sculpteur officiel de
Une seconde souscription fut lancée au sein de l'armée britannique, destinée à l'érection à Woolwich d'une statue en pied ; le comte Gleichen, qui la réalisa, l'a placée sur un piédestal orné du N impérial et des aigles françaises.
La statue fut ensuite transférée à l'école militaire de Sandhurst, où elle est toujours exposée à la contemplation des élèves officiers de l'armée d'Elizabeth II.
La terre du Hampshire comme linceul
Ramenée en Angleterre et d'abord inhumée en l'église paroissiale de Chislehurst, la dépouille mortelle du Prince impérial fut ensuite transférée en 1881 avec celle de Napoléon III à Farnborough, dans le comte du Hampshire, au sud-ouest de Londres, où l'impératrice Eugénie fit construire une abbaye votive, confiée aux bénédictins.
C'est dans l'église conventuelle, de style néo-gothique français, que l'on peut se recueillir devant le tombeau de celui qui fut, de façon éphémère, la coqueluche et l'espoir des Français - "fier jeune homme si pur" tombé "comme un héros d'Homère" (Verlaine) -, et dont le destin tragique créa en France les conditions de l'affermissement de
Claude Vigoureux
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Date de dernière mise à jour : 28/07/2022
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